Né au bord de la Seine, au cœur de Paris
C’est au début de la Révolution française, en 1790, que le citoyen Ratier a eu l’idée d’implanter son magasin dans l’Ile Saint-Louis, en bordure de Seine au cœur même de Paris. A cette époque, la Seine était un axe de circulation très important tant pour les hommes que pour toutes sortes de marchandises, ce qui lui conférait des allures de grand port fluvial.
On y rencontrait des mariniers, des débardeurs, des pêcheurs, des matelots, des baigneurs, des meuniers, des voyageurs… Rappelons que, sur le blason de la ville de Paris, figure un bateau symbole de la navigation sur la Seine.
Ce magasin était situé au 41&43 quai d’Anjou dans une maison construite en 1660, sise à l’angle que forme le quai d’Anjou avec la rue des de Deux-Ponts, au débouché du Pont-Marie. C’est là que fut érigée l’enseigne « Au Petit Matelot ». Ce magasin proposait des articles et vêtements de marine, en raison de l’activité fluviale sur la Seine. Il s’acquit d’emblée la clientèle ouvrière de l’Ile et sut attirer la clientèle aisée de la rive gauche. Il proposa aussi son offre de vêtements et d’accessoires aux baigneurs, canotiers, sportifs et plaisanciers qui étaient déjà nombreux sur la Seine à cette époque.
C’est le premier « grand magasin » moderne : les boutiques pratiquaient à cette époque des prix prohibitifs où seuls les gens fortunés pouvaient faire leurs achats. Le Petit Matelot a su mettre ses produits à la portée du plus grand nombre, grâce à la modération des prix pratiqués.
Les années Ratier
Bien qu’il n’ait pas imaginé les « grands magasins » au sens qu’on leur donne, Monsieur Ratier sut donner à ce genre d’activité commerciale sa forme et sa conception véritablement moderne, en particulier en fixant et affichant les prix de vente des marchandises et en offrant une grande variété de produits.
Précurseur dans le domaine de la publicité, il inventa l’étalage moderne. En effet, à cette époque, les boutiques entassaient les marchandises pêle-mêle, sans ordre ni méthode.
Nous retrouvons chez Honoré de Balzac, dans son roman tiré de la Comédie Humaine, César Birotteau, une description de cet étalage et de son aspect attrayant et innovant. Il assure que c’est le premier « grand magasin ».
Le Petit Matelot sut attirer les baigneurs et plaisanciers et proposa des caleçons pour le bain et des « peignoirs de bain » de toutes sortes.
Dès 1803, le Petit Matelot était le fournisseur de la Garde Consulaire, future Garde Impériale.
Après Monsieur Ratier
Monsieur Ratier se faisant vieux, il céda son magasin au sieur Delagrange, qui a su profiter de l’attirance des Parisiens pour le bain et la natation, le canotage et le yachting et toutes les activités de plein air.
Vers 1820, la Duchesse de Berry eut la fantaisie de lancer les bains de mer, puis s’intéressa au yachting : Aussitôt ces deux activités nouvelles suscitèrent l’engouement chez les Parisiens.
Puis ce fut en 1830 le sieur Letailleur qui devint le nouveau propriétaire du magasin et qui fonda la société Victor Letailleur & Cie.
Lui-même cédant plus tard Le Petit Matelot à Messieurs Donnet et Aubry. Le magasin ajouta aux produits déjà proposés des « vêtements d’excursions ».
Les grands magasins de Paris
De nouveaux véritables grands magasins vont naître sous le second empire, sur le modèle du Bon Marché créé par Aristide Boucicaut. L’évolution de la construction et l’utilisation de structures métalliques ont permis d’offrir au client plusieurs étages de marchandises. Emile Zola, dans son roman « Au bonheur des Dames » qualifie les grands magasins de « cathédrales du commerce ».
A partir du milieu du XIXème siècle, les ouvertures de grands magasins se multiplient en Europe et aux Etats-Unis.
En France, ce sont à Paris :
« Le Bon Marché » créé par Aristide Boucicaut en 1852
« Les Grands Magasins du Louvre » par Alfred Chauchard en 1855
« A la Belle Jardinière » par Parissot en 1856
« Le Printemps », boulevard Hausmann par Jules Jaluzot en 1865
« La Samaritaine » par Ernest Cognacq et Louise Jay en 1865
« Les Magasins Réunis » en 1866
« Les Grands Magasins de la Paix », en 1869
« Les Galeries Lafayette », boulevard Hausmann, par Théophile Bader et Alphonse Kahn en 1896
Le costume marin
Le costume marin est une mode du costume enfantin qui se développe dans la seconde moitié du XIXème siècle et se retrouve dans tous les pays occidentaux jusqu'à la fin des années 1920. Il s'adapte particulièrement aux jeunes garçons entre 6 et 14 ans mais se décline aussi dans une version féminine.
Ce vêtement « de marin » fut très logiquement vendu par Le Petit Matelot, « tout faits et sur mesure ».
Rappelons que George Sand l’y acheta pour son fils, Maurice. Dès 1906, sachant que l’immeuble du quai d’Anjou abritant le magasin devait être démoli lors de travaux d’élargissement du pont de la Tournelle, le Petit Matelot s’installera au 27 rue de la Grande Armée dans un immeuble tout neuf.
Le Petit Matelot sera le dernier à quitter le quai d’Anjou en 1924.
Le développement des voyages en automobile et en bateau attirera une nouvelle clientèle.
La famille LION
De 1932 à 2022, ce sont 3 générations de la famille LION, qui se succèdent Au Petit Matelot.
Dans les années 1950, le magasin « cultive l’authentique », comme l’a précisé Monsieur Michel LION, dans un article paru dans le Figaro de 1997.
Et de nous dire que le premier duffle-coat authentique importé d’Angleterre a été vendu au Petit Matelot ainsi que manteau loden au grand pli creux dans le dos. Mais les champions toutes catégories sont bel et bien le caban à boutons dorés de la Marine Nationale et celui à boutons noirs de la Marine Marchande.
Le Petit Matelot fournit aussi et toujours les casaques de jockeys pour de prestigieuses écuries de chevaux de course et a participé au premier Salon Nautique de Paris en 1962.
La boutique est fréquentée par le Commandant COUSTEAU qui y a déniché son célèbre petit bonnet rouge pure laine.
N’oublions pas que le Petit Matelot a fourni le pull marin rayé pure laine de Pablo PICASSO.
Puis, le magasin a su profiter de l’engouement pour les vêtements sportifs « techniques » : les principaux concurrents du Vendée-Globe se sont équipés d’une veste imperméable doublée Goretex, et portée aussi par Isabelle AUTISSIER.
Aujourd’hui le magasin continue de travailler avec des maisons de confection centenaires, vendant à la fois des vêtements intemporels et au goût du jour. C’est le fils de Monsieur Michel LION, Monsieur Jean-François LION qui dirige le magasin jusqu’en 2022.
Depuis février 2023
Charles-Henry et Golvine de VAUCELLES ont repris cette enseigne vieille de 233 ans et toujours installée au 27 avenue de la Grande Armée.
Après avoir développé un site internet de vente de vêtements de l’univers de la campagne et ouvert une boutique, située 18bis rue Brunel dans le 17e arrondissement, à 300 mètres du magasin « au Petit Matelot », ils font réaliser dans celui-ci de gros travaux, tout en gardant l’atmosphère qui plaisait tant aux clients.
Réouverture du magasin « Au Petit Matelot », 27 avenue de la Grande Armée 75116 PARIS, au printemps 2023. Aujourd'hui le magasin Au Petit Matelot continue de vous proposer des vêtements chics, élégants et de bonne qualité. Un atelier de retouche est aussi mis à disposition avec un tailleur pour que les articles vous aillent à la perfection !